LES GENS D’ICI !
LA BATTEUSE À POULIEU EN 1927 !
Nous allons vous retracer un épisode de la vie à Poulieu en été, au son de la batteuse chez Moiroud…
Nous sommes en Juillet, une chaleur suffocante cet après-midi là, les libellules tournent et virent au-dessus du bassin. Les rayons de soleil tombent à pic d’un ciel sans nuages et font flamboyer l’atmosphère.
Couchés sur le « vinda » (seuil) des portes, les chiens, la langue haletante, n’ont même plus le courage de chasser les mouches qui se posent sur leur museau.
Le sonore gargouilli du filet d’eau intarissable qui coule imperturbablement en toutes saisons, ne parvient même pas à sortir de leur léthargie les volailles à l’ombre du « vingtain » (muraille) !
Seul le couple de huppes qui niche dans un trou de mur du cimetière parvient par ces piaillements à donner un peu de vie autour de cette fontaine, qui, pourtant, à d’autres heures connaît une bien grande animation.
Brisant cette quiétude, presque comme un sacrilège, plusieurs coups de sifflets !
La batteuse installée à la ferme Moiroud depuis le matin se remet en marche. La locomobile qui chauffait après avoir fait le plein d’eau et de charbon reprend son ronronnement régulier.
Après avoir observé un court temps de repos réglementaire aidant à une bonne digestion, après le repas de midi, les hommes reprennent le poste de travail qu’ils occupaient le matin.
Les hommes sur le gerbier faisant passer les gerbes de céréales sur la machine aux engreneurs qui les introduisaient dans le batteur.
Et puis les « costauds » désignés pour monter sur leurs solides épaules les lourds sacs au grenier !
Au pailler, les jeunes infatigables étaient tout désignés ce jour-là pour le construire. Il faillait que ce pailler soit bien bâti, il en allait de leur réputation !
Ces jeunes hommes forts et habiles montaient à l’échelle cramponnant le barreau d’une main et tenant la « daguée » de paille de l’autre.
Ceci à l’aide d’un outil de nos jours disparu qui s’appelait la « dague », une tige de bois lisse et pointue de trois mètres de long environ avec à la hauteur de l’épaule un support qui servait de « garde ».
Il y avait aussi bien le machiniste qui veillait, burette d’huile en main, sur le bon fonctionnement de sa mécanique.
Poussiéreux et fatigués, ces hommes ne se sépareraient jamais avant que la dernière gerbe ne soit battue et avant que le dernier sac de grains ne soit au grenier, avant que le pailler ne soit complètement terminé et à l’abri de la pluie.
Après s’être lavés et abondamment aspergés d’eau dans la bonne humeur et la satisfaction d’une bonne journée de travail bien remplie, les hommes prenaient place autour d’une longue table improvisée à l’aide de trétaux, de planches et de bancs, installée au milieu de la cour.
Ah ! M. Henri Moiroud le fermier était content, aussi, ce soir-là, il offrait de bon cœur un « Pernod de fabrication » bien frais à tous.
La maîtresse de maison aussi était contente de voir que son repas était apprécié, par des hommes qui ne manqueraient pas de dire par ailleurs que chez elle, on y mangeait bien ! Il fallait de l’abondance, mais aussi de la qualité, c’est pourquoi à l’aide de sa fille, des mets recherchés avaient été préparés depuis plusieurs jours à l’avance.
Au cours de ce repas, on bavardait beaucoup du bon vieux temps, par exemple de cette époque déjà lointaine où il faillait être huit hommes équipés de fléaux pour venir à bout de trois cents gerbes en une journée !
« De grand matin, les gerbes étaient enlevées du grand gerbier, déliées une à une et puis étendues sur l’aire en terre battue Dès les premiers rayons de soleil, les hommes empoignaient le manche de leur fléau et à tour de rôle, les outils s’abattaient sur les épis. Oh que la musique était belle que celle des fléaux fendant l’air et comme le bruit des batteuses d’aujourd’hui lui ressemble peu !... » (1)
On évoquait aussi ces récents souvenirs de la grande guerre, plus d’un vantait les qualités et performances de son fusil ou de sa mitrailleuse.
L’alcool y aidant un peu, on allait jusqu’à ôter sa chemise pour faire constater ses cicatrices de blessures par éclats d’obus.
Reprenons le fil de notre histoire...
On évoquait donc aussi ces récents souvenirs de la grande guerre, plus d’un vantait les qualités et performances de son fusil ou de sa mitrailleuse.
L’alcool y aidant un peu, on allait jusqu’à ôter sa chemise pour faire constater ses cicatrices de blessures par éclats d’obus.
C’était un peu avec le même souci de précision et force détails performants que ce vieux poilu du corps expéditionnaire d’Orient racontait ses aventures galantes dans les lupanars (maison de prostitution) de Salonique ou Monastir.
Et puis la batteuse, c’était aussi l’occasion comme pour tous les autres gros travaux, de faire fonctionner cette entraide entre petits exploitants, cette solidarité que l’on appelait « le coublage ».
Certaines familles « coublaient » ensemble depuis plusieurs générations des liens solides d’amitiés qui subsistent encore de nos jours entre ces familles.
Le repas fini, on reprenait la route de son logis où encore il faudrait effectuer quelques travaux dans son écurie, avant une bonne nuit de sommeil.
Les plus jeunes resteraient un pu plus longtemps, se livrant à quelques petites farces, plumes ou pattes de lapins, accrochées dans le dos de quelque retardataire à son insu ! ou bien ils inviteraient la fille de la maison pour la vogue à Poulieu le 15 août.
Enfin des « gognandises » ! quoi, mais « c’était pas ben méchant, quand même, c’était ben des gones » !
C’était en 1927 à la ferme d’Henri Moiroud, à Poulieu, Montée de Chantalouette…
Les temps ont bien changé !
Aujourd’hui il suffit d’être deux personnes avec toutes ces « machines » pour mener à bien sa moisson… la fontaine devant la chapelle ne coule plus… quant aux huppes et aux libellules, un jour, peut-être reviendront-elles à Poulieu…
Merci à toutes ces personnes qui cherchent dans leurs souvenirs, nous les partagent, et permettent ainsi de faire revivre certains épisodes de la vie des Laurentinois !
Saurez-vous reconnaître certains sur ces photos ?
Source : Mémoires locales
(1) citation extraite de « Bonnes terres et Braves gens du Dauphiné – M. Blanc
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