LES GENS D’ICI !
LES FUSILLÉS DE ST LAURENT DE MURE
Les 17 et 26 juin 1944, les Allemands exécutèrent 12 détenus de Montluc à Saint-Laurent-de-Mure .
Construite en 1921 à Lyon, la prison Montluc devient, sous le gouvernement de Vichy, le lieu d’incarcération d’un grand nombre d’ennemis de la politique collaborationniste du maréchal Pétain.
Dès l’été 1940, se succèdent dans ses geôles des militants communistes et anarchistes, des francs-maçons – jugés « suspects » par les normes alors en vigueurs – ainsi que les premiers résistants arrêtés dans la région.
En 1943, la prison est réquisitionnée par l’occupant allemand et passe sous le contrôle de la Gestapo lyonnaise et de son chef de sinistre mémoire, Klaus Barbie.
Dans des conditions de détention qui deviennent de plus en plus inhumaines, les prisonniers attendent de connaître leur sort : l’exécution ou la déportation vers les camps.
Le 17 juin 1944, dix détenus furent extraits de la prison de Montluc à Lyon. Les Allemands les firent monter dans une camionnette et les transportèrent à Saint-Laurent-de-Mure.
Eugène Lacombe, forgeron à Saint-Laurent-de-Mure, les aperçut vers 18h40 : « Mon atelier se trouve à environ 50 mètres de la route Nationale N°6. […] j’ai vu passer un convoi composé d’une camionnette et d’une voiture de tourisme de couleur noire et semblant être une Peugeot 301. Suivant ces deux véhicules j’ai entendu mais pas vu une motocyclette. [...] ».
Eugène Lacombe, né un 24 juin, était le fils de Jean Joseph Lacombe et de Marie Louise Mariat.
Le convoi s’arrêta au lieu-dit les Glandiers, en bordure du chemin menant de la route nationale 6 (aujourd’hui Départementale 306) à Colombier-Saugnieu. Les Allemands firent descendre les dix prisonniers et les exécutèrent dans le champ au bord du chemin
Le convoi s’arrêta au lieu-dit les Glandiers.
David Roy, cultivateur au lieu-dit Poulieu à Saint-Laurent-de-Mure, fut partiellement témoin de la scène : « […] vers 19h15, je me trouvais dans un champ situé à proximité de la route menant de St-Laurent-de-Mure à Colombier.
A un moment donné j’ai entendu des coups de feu semblant provenir de la direction de Poulieu.
Tout en continuant mon travail j’ai regardé dans cette direction, et, ai aperçu, à environ quatre cents mètres du lieu où je me trouvais, toujours sur la route indiquée ci-dessus, un homme qui se promenait, un fusil à la main.
A quelques mètres était arrêtée une camionnette couleur gris foncé. Environ une heure après, lorsque mon travail fut fini, je suis retourné à Poulieu, et en cours de route j’ai constaté la présence de dix cadavres au lieu dit Glandier.
A cet endroit j’ai rencontré M. Chavret Clément qui se trouvait à passer. Je lui ai conseillé de prévenir les autorités de St-Laurent-de-Mure. [...] ».
Informé vers 21 heures, Marcel Baconnier, maire de Saint-Laurent-de-Mure, fit porter les corps dans un hangar.
David Roy était né le 25 juillet 1905 à St Laurent de Mure et décédé le 16 octobre 1990. Ses parents étaient Léon Roy et Francine David.
Clément Chavret était né quant à lui sur notre village le 17 mai 1902 et décédé le 2 septembre 1981. Son père était Claude Chavret et Marie-Joséphine Germain. (Voir photo de la tombe familiale ci-dessous).
Le 18 juin 1944, la police judiciaire de Lyon se rendit sur les lieux.
L’inspecteur de police examina brièvement les victimes et constata qu’elles avaient été tuées d’une ou plusieurs balles dans la tête.
Il se rendit dans le champ de blé où les cadavres avaient été découverts. Il observa les traces de sang et il nota qu’elles étaient situées à intervalles réguliers. Il remarqua également que les flaques de sang étaient « jumelées ».
De retour dans le hangar, il découvrit des traces de menottes sur les poignets des cadavres. Le policier trouva par ailleurs du pain bis (pain militaire allemand) dans les poches de quelques victimes.
Il conclut que les dix hommes avaient été exécutés par les « autorités allemandes », deux par deux, à « presque bout portant » d’un coup de fusil tiré dans la tête.
Les victimes ne portaient pas de pièces d’identité. Il fut donc impossible de les identifier immédiatement.
Leurs signalements furent relevés et le service anthropométrique prit une photographie de chaque corps.
Les cadavres furent enterrés à Saint-Laurent-de-Mure.
Neuf corps sur dix furent ainsi identifiés dans les mois qui suivent. Une stèle fut érigée square du 11 novembre 1918 à Saint-Laurent-de-Mure, que vous pouvez aller voir si le coeur vous en dit... Il était important de ne pas les oublier.
Elle porte l’inscription « Ici le 17 juin 1944 dix Français tombèrent en martyrs fusillés par les Allemands » et les noms de ces neufs hommes : Gelly Aimé, Walter André, Glotz René, Garcia Carmelo, Renaud Émile, Giraud Pierre, Juban Adrien, Gelly Joseph et Pouzeratte Albert.
Le 26 juin 1944, extraits de Montluc, deux détenus furent contraints de monter dans une Traction avant noire.
Vers 12h30, la voiture arriva à Saint-Laurent-de-Mure et s’arrêta au lieu-dit les Glandiers, en bordure du chemin qui reliait la route nationale numéro 6 à la commune de Colombier-Saugnieu.
Les Allemands firent descendre les deux hommes du véhicule, ils les exécutèrent puis ils repartirent en direction de Lyon.
Un témoin, Gabriel Montchal (né en 1913 et décédé en 1988), entendit les Allemands tirer :
« […] vers 12h40, je me trouvais dans un champ situé près de la route de St-Laurent à Colombiers, lorsque j’ai entendu claquer quatre coups de feu. J’ai eu l’impression qu’on venait de tuer quelqu’un car aussitôt après les coups de feu j’ai entendu le ronflement d’une voiture qui faisait demi-tour et qui ensuite démarrait. D’après le bruit de moteur, il me semble que c’est une traction avant. Comme je venais de terminer mon travail, je rentrais sur St-Laurent, lorsque sur le talus à 3 mètres environ de la route, j’ai remarqué la présence de deux cadavres d’hommes. Je me suis approché pour me rendre compte si ces hommes étaient morts. L’un était couché sur le dos et l’autre sur le ventre légèrement tourné. Dès ma découverte, je me suis rendu chez Monsieur le Maire de St-Laurent pour l’avertir. […] ».
Gabriel Monchal se rendit donc chez le Maire, Marcel Baconnier pour l’avertir.
Le maire alerta la police qui se rendit sur les lieux pour constater les faits. Les policiers découvrirent les deux cadavres dans un pré se trouvant en bordure du chemin vicinal.
Les deux hommes reposaient perpendiculairement à la route, les pieds sur le bord du fossé.
Sur chacun des deux corps, ils relevèrent les traces d’entrée de deux balles, l’une à la tempe droite et l’autre à la nuque.
Les victimes étaient dépourvues de pièces d’identité et ne purent être identifiées immédiatement.
Leurs signalements furent relevés, des photographies prises et les deux corps furent inhumés à Saint-Laurent-de-Mure.
Liste des victimes identifiées :
BOROWSKI Jean (26 juin)
GODINGER Jacques (26 juin)
Ainsi que :
GARCIA TALTAVULL Carmelo
GELLY Joseph et GELLY Pierre
GIRAUD Pierre Régis
GLOTZ René Edmond
JUBAN Adrien Marius
POUZERATTE Albert
RENAUD Émile Marcel
WALTER Mario Eugène
Une seule personne n’a pas été identifiée : il avait sur lui une bague en bronze aux initiales BJ.
- Les frères GELLY
Voici quelques informations complémentaires concernant cette tuerie aux portes de notre village, merci à #YvetteTARDIF de nous avoir partagé ses recherches :
Aimé, Pierre, Michel GELLY cercueil N°1
Signalement sur le registre de décès de St Laurent de Mure :
« Parents : Louis, Antoine, André GELLY et Marie, Eugénie NOYREY.
Âge environ 25 ans- taille environ 1 m, 62-cheveux bruns -front découvert -chandail marron -chemise bleu-pantalon bleu usagé-mouchoir rayures grises »
Il était né le 07/05/1926 à Cléon–d’Andran (26), âgé de 18 ans, célibataire, cultivateur, demeurant à Taulignan, le frère de Joseph. (N°8).
Joseph , Martial, Louis GELLY cercueil N°8
Signalement sur registre de décès St Laurent de Mure :
« Parents : Louis, Antoine, André GELLY et Marie, Eugénie NOYREY
âgé d’environ 38 ans – taille 1m 60 - cheveux châtain foncé – 2 canines supérieures absentes – mouchoir blanc fil initiale E.A. – veste bleu de travail - chemise à rayures bleues et rouges à col rabattu – pantalon kaki - chaussettes en coton – ceinture en cuir. »
Il était né le 04/04/1908 à Saou (26) cultivateur, frère de Pierre, cercueil N°1
Il habitait également à Taulignan et était, avec son frère, agriculteur au hameau du Paradis.
Raflé avec son frère dans leur champ le 12 juin au hameau du Paradis à Taulignan (les Allemands auraient trouvé sur eux des horaires de tour de garde.)
Ils sont emmenés à Montluc et fusillés le 17 juin à St Laurent de Mure. Tous deux sont inscrits sur le monument aux morts de Taulignan.
Les parents ne seront prévenus que plusieurs mois plus tard de leur mort.
Sur leur fiche de Montluc pas de motif d’arrestation ; ils ont été reconnus tous les deux par leur frère (Joseph, Pierre) demeurant à St Paul les Romans.
Ces deux exécutions Saint Laurent de Mure, ont été retenues dans les chefs d'accusation du procès Barbie.
Sources : Registres paroissiaux, Archives département du Rhône, . Fédération des Unités combattantes de la Résistance et des FFI
En dehors des frères Gelly, souvenons-nous des autres jeunes fusillés tombés au combat :
André, Mario, Eugène WALTER cercueil N° 2
René, Edmond GLOTZ cercueil N° 3
Carmelo GARCIA cercueil N° 4
Pierre, Régis, Frédéric GIRAUD cercueil N°5
Emile, Marcel RENAUD cercueil N°6
Adrien , Marius JUBAN cercueil N°7
Albert-Lucien POUZERATTE cercueil N° 9
Un INCONNU cercueil N° 10
Jacques GODINGER cercueil N° 11
Jean BOROWSKI cercueil N° 12
Nous vous reparlerons d’eux dans quelques temps…
C’est Louis BAILLY, agriculteur à Saint Laurent de Mure, et René GAILLARD qui ont creusé les fosses où ont été enterrés ces fusillés : triste tâche... merci #YvetteTardif pour tous ces détails....
Nous avons tous appris les évènements de la Seconde Guerre Mondiale à l’école, mais lorsqu’on touche du doigt que cette guerre a pu être traumatisante pour des personnes que l’on connait, pour un village dans lequel on vit, il est de notre devoir de transmettre cette connaissance et le souvenir de ceux qui n’en sont pas revenus.
Au-delà de la dimension humaine, le souvenir combat toujours l’indifférence.
En faisons-nous assez ? En tout cas, nous essayons à notre humble niveau, et à travers ce devoir de mémoire, de sensibiliser chacun pour ne pas ignorer l’histoire, la transmettre à nos enfants et petits-enfants afin qu’on ne les oublie pas…
Photos : Archives Le Progrès
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