LES GENS D’ICI !

MÉMOIRE D’UN LAURENNAIS





“Connaissez vous la Saint-Cayon ? Ne cherchez pas bonnes gens, cette fête sur votre calendrier, vous ne la trouverez pas ! Car c’est tout simplement le martyr du goret que l’on désigne ainsi chez nous : et qui est une vieille tradition séculaire, qui assure la nourriture de l’hiver.
Avant le lever du jour, se présente au portail le cousin rasé de près et propre comme un sou neuf, suivi de peu par le charcutier, non sédentaire, mais très expert dans sa spécialité, avec tout son attirail on ne peu plus affûté. Presque aussitôt, sans aucune forme de procès on saigne la bête de cent kilos environ, qui gueule un peu au début de l’acte du praticien, mais tout s’arrange au fur et à mesure, que le sang coule dans la bassine. Le cousin, la manche relevée jusqu'à l’épaule, brasse le liquide visqueux afin qu’il ne se coagule pas.
On « bucle », on ébouillante, on racle « le cayon » Pendu à la grosse poutre de la cuisine, puis on vide et, on découpe. Diverses préparations, aussi complexes que minutieuses se déroulent tout au long de la journée pour tirer parti de la manière la plus profitable possible, de cette grosse masse de viande : pâtés, saucisses, saucissons, andouilles, sabodets, salaisons, jambons, boudins.
Ah le boudin! que l’on mange tout chaud sortant de la « chaudière » où la vapeur parfumée se sauve à grands nuages dés que le couvercle se soulève: ce boudin dont chaque charcutier a sa recette personnelle plus ou moins tenue secrète.
Poivre, sel, oignons, lait, épinards, herbes, rhum, surtout du rhum ! Ce rhum qui, à l’avantage de réchauffer le charcutier dans son effort ! lui qui près de la chaudière risque à tout moment un chaud et froid ! contrairement à ce que l’on peut penser, beaucoup d’entre eux eurent la vie sauve grâce au rhum !"
"On ne pourra jamais assez parler de la saveur du boudin ; j’ai (de mes yeux ) vu et là je n’invente rien : des gourmets locaux déguster le boudin un peu à la façon dont on déguste les ortolans dans le sud - ouest.
Moins drôle ; autrefois les pauvres gens du voisinage venaient dès la cuisson terminée, quémander l’eau pour en faire la soupe, généralement on leur ajoutait avec, un morceau de boudin, pour améliorer l’ordinaire.
Le soir venu, c’est bien à ce moment là que commence véritablement la fête. Après un bon « PERNOT de fabrication » pas moins d’une dizaines de convives se serrent les coudes à la table pour savourer un menu exclusivement composé de cochonnailles, avec en particulier, un civet de « jaîlles » (épine dorsale) au vin blanc que la maîtresse de maison s’est appliquée à élaborer. Pour ma part, je n’ai jamais mangé ailleurs, qu’à un repas de Saint-Cochon, ce plat si fin et si délicat.
Après les agapes, il fallait une bonne goutte d’eau de vie pour amorcer une digestion nocturne bien compromise. Les congratulations d’usage terminées, les invités repartaient tard dans la soirée, la musette garnie d’une « fricassée », les poches bourrées de « gratons », faisant claquer les clous des brodequins sur le pavé du chemin, tandis que le cousin criait dans la nuit noire et brumeuse « que pour l’année prochaine, on remettrait bien ça ! »
La saint cochon de nos jours a quelque peu perdu de son caractère sacré, mais nos excellents charcutiers de pays, prouvent au grand public de temps à autre , que ce que je vous raconte là au sujet de notre gastronomie locale n’est que vérité vraie."
Merci pour ces beaux souvenirs...."





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