LES GENS D'ICI -
UNE PLACE… UNE HISTOIRE ! LA PLACE DU 26 AOÛT 1944
Voici l’histoire de Saint Laurent de Mure sous l’occupation
ou comment notre village a été sauvé grâce à de courageux Laurentinois !
Le mardi 22 août 1944, une voiture décorée de drapeaux
français s’arrêtait devant l’hôtel Vivier. Un maquisard, Jean Dalbion, de
Frontonas, en descendit et s’amusa, armé d’une mitraillette à « faire des
cartons » dans les affiches de publicité apposées sur les murs de la
remise de l’hôtel.
Une cinquantaine de personnes se rassemblèrent, mais se
dispersèrent encore plus vite lorsque quelqu’un signala que, venant de Lyon,
arrivait une colonne allemande dont on distinguait d’ailleurs la masse sombre
tout au fond de la Nationale 6 à St Bonnet de Mure.
Les Allemands s’arrêtèrent à Saint Laurent, et
s’installèrent sous les platanes.
Le Maire, afin d’éviter tout incident, fit arrêter la
batteuse qui fonctionnait chez Monsieur Chavret, dans le quartier du Billon, en
faisant recommander aux hommes de rentrer immédiatement chez eux.
La mesure ne put, hélas, être prise dans une autre occasion,
le Maire ignorant que le battage chez Monsieur Barioz avait commencé au Plâtre.
Monsieur Auguste Paradis, rentrant de ce travail le 25 août au soir, fut abattu
par une patrouille allemande à quelques mètres de chez lui. Ses funérailles
eurent lieu le dimanche 27 août, au milieu d’une grande affluence.
Sa fille, Lucie Grana se souvient de ces heures terribles. «
J’ai appris ce malheur par une personne qui avait travaillé avec lui ce
jour-là. Évitant les patrouilles allemandes, elle est venue à la maison pour
dire « Venez vite, Guste est blessé. » Nous l’avons trouvé étendu sur le sol
près de l’endroit où la plaque a été apposée sur le mur de la rue du Plâtre. Il
était mort, j’avais 25 ans. Il a été enterré le 27 août. Ce sont des résistants
qui l’ont mis en terre et le lendemain ils sont morts en luttant contre les
Allemands à Saint-Bonnet. »
Lucie avait épousé Joseph Grana qui était prisonnier de guerre
en Allemagne. Avec une année de service militaire en 1938-39, la guerre
1939-1940 et cinq ans où il a été prisonnier, ce sont sept années de notre
jeunesse, de notre vie qui ont été prises ».
Le lendemain de l’arrivée des Allemands à Saint Laurent de
Mure, soit le 23, dans la matinée, le Maire demanda à voir l’officier
commandant le détachement et lui déclara : « Mr le Capitaine, je suis
le maire. Je tiens à vous dire que, responsable de la Commune, je prends
l’entières responsabilité de ce qui peut se passer ici et je vous demande de me
faire appeler, si nécessaire, pour quoi que ce soit ».
Le capitaine remercia le Maire et lui demanda s’il y avait
du maquis.
« Dans les environs je sais qu’il y en a, sans pouvoir
vous préciser leur importance. Mais en ce qui concerne la commune, je puis vous
assurer de la loyauté de la population envers les troupes d’occupation. Je m’en
porte garant ».
La journée du 24 août se passa sans incidents. Il faut préciser que depuis le 22 août, l’arrivée des Allemands dans notre village, le Maire faisait trois fois le tour du village pour rassurer la population, mais aussi pour pallier les divers incidents qui pouvaient se produire. Même le jour où il souffrit d’un ulcère à l’estomac, il fit malgré tout sa tournée habituelle, soutenu par son épouse et s’aidant d’une canne.
Le vendredi 25 août, justement au cours de sa tournée
habituelle de 13h30, le Maire rencontra le Dr Vacher, le Dr vétérinaire M. Pey
et M. Chiollaz, maître-maçon. Ensemble ils allèrent se rafraîchir à l’hôtel de
Savoie abandonné par ses propriétaires de l’époque.
C’est à ce moment-là que, entendant des allées et venues des
troupes allemandes, il sortit pour comprendre ce qui était en train de se
passer. Sous le prétexte de demander un laissez-passer pour se rendre à
Heyrieux afin de ravitailler la commune, il aborda le Lieutenant allemand et
fut brutalement repoussé !
Il eut cependant le temps de voir les soldats allemands se
replier de chaque côté de la route venant de « La Garenne » (sortie
de Saint Laurent), cependant qu’un canon calibre 37 était mis en position. Un
autre allemand qui semblait avoir fait une course effrénée, vareuse
déboutonnées, décoiffé, donnait des explications sur une carte : le même
jour, les FFI firent savoir qu’il s’agissait d’un adjudant allemand fait
prisonnier, et qu’ils avaient relâché en le chargeant de prévenir que les FFI
allaient attaquer !
De ce fait, les « clients » de l’hôtel de Savoie
furent interdit de sortir par une sentinelle allemande qui les menaça de sa
mitraillette. Puis, un moment après, les Allemands se replièrent sur Lyon.
Vers 14h45, les premiers FFI arrivèrent de la direction du
Couloud, et s’arrêtèrent à la mairie où ils furent reçus par le Maire et le
Comité de Libération : Messieurs Burdillon Président, Barbier, Descroix et
Sylvain Copy. On trinqua et deux drapeaux furent arborés au balcon de la
Mairie, pendant qu’un immense drapeau décoré d’une croix de Lorraine était fixé
au fût de la fontaine située à l’autre bout de l’allée des Platanes vers la
RN6.
Les FFI continuèrent sur Saint Bonnet et se mirent en
embuscade dans la maison Pallard sur la
RN6 (maison du maréchal-ferrant,
actuelle pizzeria Just Italian)….
Le vendredi soir (donc le 25 août), dès l’arrivée des Allemands, les drapeaux qui étaient sur le balcon de la Mairie (voir Acte 2 d’hier) furent cachés chez Monsieur Charpenet sous du foin. Les Allemands couchèrent dessus trois nuits sans heureusement le découvrir.
Bourgoin et la Verpillière ont été libérés les jours
précédant le 26 août 1944. Les allemands se replient mais, harcelés parles
résistants, ils perdent des hommes et deviennent de plus en plus agressifs. Ils
sont à la recherche des résistants !
Le 25 août, vers 16 heures, une patrouille cycliste
allemande de trois hommes venue en reconnaissance se heurte à un groupe de
FFI : Les Forces françaises de l'intérieur (FFI) sont le
résultat de la fusion, au 1er février 1944 , des principaux
groupements militaires de la Résistance intérieure française qui s'étaient
constitués dans la France occupée (Armée
Secrète, groupes francs, Francs-Tireurs et Partisans, etc.).
Deux Allemands sont abattus
dans l’actuelle rue des Quatre-Fontaines à St Bonnet de Mure, tandis que le
troisième s’échappe et peut repartir en direction de Lyon pour donner
l’alerte !
Dans un premier temps, les deux
soldats sont déposés dans une tranchée à St Laurent de Mure au bord de la RN6.
Mais, par décision du Maire, ils sont ensuite déplacés sur Saint Bonnet avant
d’être pris en charge par des Allemands à proximité.
Vers 21 heures, une colonne
ennemie rentre sur Saint Laurent après avoir tiré des coups de canon sur Saint
Bonnet et incendié la ferme Bonnet (80 RN6). Les premiers obus avaient été
tirés de Mi-Plaine : on a pensé que le clocher de l’église de St Bonnet
était visé, l’un des obus passa à droite, l’autre à gauche, pour finir dans le
clos du couvent de la Visitation
Les hommes du village sont
enfermés dans le garage Armanet qui se trouvait à l’époque sur le côté Est de
l’hôtel de Savoie.
Au passage, les Allemands
avaient fouillé la ferme Lapérette (située au fond d’une allée d’arbres à
l’ouest du magasin Lidl), à 1 km environ de St Bonnet. Ils avaient arrêté M.
Mme Lapérette et leur fils, les obligeant à marcher en tête de leur colonne.
A 22 heures, M. Lapérette,
accompagné de deux soldats allemands, vint appeler le Maire en lui disant que
« les autorités allemandes le réclamaient ! »
Après avoir convoqué le
maire à l’hôtel de Savoie, Marcel BACONNIER, le capitaine allemand lui
dit :
« Demain à 6 heures,
tous les hommes de la commune doivent être rassemblés là devant. Si l’ordre
n’est pas totalement exécuté, des gens seront fusillés et le village
incendié »…
… Afin de gagner du temps, le Maire demande que le délai soit fixé à 7 heures et obtient 6h30 non sans mal après que le Lieutenant le rejeta brutalement sur le tas de paille que le Capitaine allemand avait fait apporter la veille pour s’y coucher.
Moments d’angoisse pour le premier magistrat :
convoquer les hommes représente le danger d’en voir fusillés un certain
nombre ; ne pas exécuter l’ordre c’est à coup sûr le massacre des
habitants et l’incendie du village qui serait réduit à néant !
Après réflexion, le maire décide de sacrifier sa vie pour
sauver ses compatriotes. Des discussions s’engagent avec le capitaine allemand
qui reproche aux Laurentinois la mort de ses deux hommes et qui cherche des FFI.
L’interrogatoire se poursuivant, le Maire fit la déclaration
suivante :
« Si mes explications ne vous ont pas convaincu et si
vous estimez devoir faire un exemple, je vous donne ma vie :
fusillez-moi ! Mais pour l’honneur de l’armée allemande, vous n’avez pas
le droit de mettre à mort des innocents ! ».
Après cette déclaration, les deux officiers échangèrent
quelques paroles et sortirent. L’interprète allemand qui, depuis le début de
l’arrestation jusqu’à la fin l’interrogatoire remplit sans discontinuer son
rôle, s’approcha du Maire et lui dit à voix basse : « bien défendu.
Si les hommes sont là, je crois que tout ira bien » .
Afin de diminuer le risque d’un trop grand nombre d’absents,
le Maire obtint après de laborieuses explications de ne pas convoquer le hameau
de Poulieu. A son retour chez lui, le Maire trouva Mesdames Martin, Chrétien et
Turin en larmes… L’hypothèse que la patrouille allemande ait reçu l’ordre, à
son insu, de ramasser des otages au lieu de convoquer les hommes se présenta à
son esprit, et il n’y comprit plus rien !!
Vers les premières
heures du matin, Le capitaine allemand fit demander à Messieurs Ferrand et Copy qui avaient été
retenus en otages dans le garage de
Monsieur Armanet de lui procurer 100 litres de café pour ses hommes, ajoutant
que si cela était fait « des hommes seront libres ».
Inutile de dire avec quel empressement nos deux villageois
se mirent à la besogne !!
Vers 5h45, après des adieux émouvants aux leurs, le Maire et son fils descendirent au rassemblement, se demandant mutuellement s’ils ne vivaient pas leurs derniers moments ensemble.
Vers 6h30 un Allemand parlant très mal le français vint
demander au Maire si « l’Apothicaire » était depuis longtemps dans la
commune. Faisant semblant de ne pas comprendre le mot
« apothicaire », le Maire fut saisi d’une nouvelle angoisse : en
effet, le pharmacien, M. WEILL, était juif et il craignit que malgré les faux
papiers en sa possession, les allemands découvrent la vérité ! Finalement,
cette question n’eut pas de suite …
Vers 7h15, un peloton d’une trentaine d’hommes, mitraillette
au poing, se met en place devant le magasin d’alimentation.
A 7h30, les hommes retenus dans le garage et d’autres, 71
personnes au total, sont présents ainsi que le maire et son fils ! chacun
d’entre eux s’attendait à être désigné pour sortir du rang et se faire
mitrailler… l’interprète traduisit alors la décision que l’officier allemand
venait de lui dicter :
« Pour cette fois, vous êtes libres ! Mais la
prochaine fois, il faudra tirer sur le maquis ».
Le Maire se fit répéter la traduction, tellement il n’y
croyait pas ! Ce n’était pas l’habitude des allemands, qui, lorsqu’on
tuait deux de leurs membres, ne faisaient pas de représailles. Pour exemple ce
qui est arrivé à
-
Oradour sur Glane :
Les hommes sont
séparés des femmes et des enfants. Ils sont divisés en six groupes et enfermés
dans des granges, sous la menace de mitraillettes. Vers 16 heures, les SS
tirent des rafales et tuent les malheureux en quelques secondes. Puis ils
mettent le feu aux granges bourrées de foin et de paille où gisent les
cadavres.
Pendant ce
temps, les femmes et les enfants sont enfermés dans l'église et des SS y
déposent une caisse d'explosifs et de la paille. Le feu commence de ravager
l'édifice. Pour s'assurer de l'extermination de tous les occupants, les SS leur
tirent dessus.
Leur forfait
accompli, ils pillent le village et achèvent de l'incendier. Au total, ils
laissent 642 victimes. Parmi elles 246 femmes et 207 enfants, dont 6 de moins
de 6 mois, brûlés dans l'église. Oradour-sur-Glane est devenu en Europe
occidentale le symbole de la barbarie nazie.
-
Clermont en Argonne :
Tous les hommes
de 18 à 65 ans sont rassemblés et déportés : 72 hommes, sur les 100 déportés en 1944, ne
sont pas revenus des camps de concentration allemands.
En sortant du garage de M. Armanet, à côté de l’hôtel de
Savoie, où les otages avaient été enfermés, M. Chaurand s’avança vers le Maire,
à la tête de ses camarades et lui dit :
« Merci M. Le Maire, jamais nous n’oublierons ce que
vous avez fait pour nous ». et
comme M. Le Maire disait n’avoir fait que son devoir, M. Chaurand ajouta :
« Je sais ce que le Capitaine et l’interprète nous ont dit : Vous
avez vraiment beaucoup de chance d’avoir un Maire comme vous en avez
un » !
« Pour cette fois, vous êtes libres ! Mais la prochaine fois, il faudra tirer sur le maquis ».
Les Laurentinois l’avaient échappé belle…
Vers huit heures, les Allemands partirent en direction de
Bourgoin. M. Baconnier sut plus tard que, emmenant avec eux M. Lemaire, ils le
fusillèrent à Chesnes.
La journée du 26 se passa dans le calme et dans l’évocation
des évènements de la veille et de la nuit.
Le dimanche 27, le garde-champêtre vint prévenir le Maire,
qui, malade, se reposait chez lui, de l’arrivée d’un important maquis
accompagné de deux officiers américains. Ces deux derniers étaient déjà
repartis, quand le Maire arriva à la Mairie, dont la grande salle était
encombrée de tabac, de bière et de victuailles diverses, prises aux allemands dans
les silos de la Grive.
Le commandant de ce maquis était un capitaine suisse auquel
le Maire fit part de ses craintes, en lui signalant les évènements de
l’avant-veille.
« Vous n’avez rien à craindre, lui fut-il répondu.
L’artillerie américaine est à Bourgoin. C’est la fin ! »
Et comme le Maire lui faisait remarquer , en ancien
combattant, qu’il n’avait jamais vu une artillerie de soutien aussi éloignée
des premières lignes, le capitaine lui répondit brutalement :
« Vous n’avez d’ailleurs pas à vous occuper de tout
cela ! c’est moi qui commande ici en ce moment ! ».
Les bons de réquisition en pain, viance étaient établis. Le
détachement comprenait 800 hommes du maquis de Chambarand.
La journée du 27 se passa sans incidents : la moitié du
maquis environ était catonné à St Bonnet.Un avant-poste de 35 hommes avait été
établi entre St Bonnet et Mi-Plaine.
Le lundi 28 au matin fut calme…
Mais vers 16 h, une colonne allemande attaqua, s’empara de
l’avant-poste que les hommes avaient évacué lors des premiers coups de feu à
Mi-Plaine. Les occupants se dispersèrent dans les rues de St Bonnet :
pourchassé par les allemands, tous furent massacrés !
L’un d’eux qui avait, avec une voiture, pris la route de
Chandieu-Toussieu, dut l’abandonner, ses pneus ayant été crevés par les balles.
Il fut abattu près du pylône électrique situé au bord de la route, sa voiture
incendiée.
Au cours de leur avance, les allemands lancèrent des
grenades sur la mairie de St Bonnet, incendièrent la maison Deschamps (81 RN6)…
Sortant de chez lui le Maire vit arriver des groupes de
femmes par le chemin du Plâtre et qui criaient « Sauvez-vous, ils
ramassent tous les hommes ! »….
Après 16 h le 28 août : Sortant de chez lui le Maire vit arriver des groupes de femmes par le chemin du Plâtre et qui criaient « Sauvez-vous, ils ramassent tous les hommes ! »….
Le Maire leur demanda de ne pas créer la panique puis se
rendit à la Mairie. Au moment où il arriva, un char allemand s’immobilisait au
bout de l’Allée des Platanes : la porte de la mairie était fermée et le
maire, immobile, s’attendit à une rafale qui, par miracle, ne vint pas…
d’autant que trois ou quatre F.F.I. se repliaient en direction de la Mairie en
s’abritant derrière les platanes et en tirant quelques coups, totalement
inutiles, sur le char.
De toutes part retentissaient des coups de feu… mais fort
heureusement, les évènements du 25 août ne se répétèrent pas…
Le mardi 29 le Maire, le personnel de mairie et le comité de
Libération se dépêchèrent de débarrasser la salle de la Mairie des paquetages
et des marchandises qui l’encombraient : une charrette en emmena en
« Bideau », lieu-dit situé entre la rue du Château d’Eau et la route
de Toussieu, et une voiture à bas fit plusieurs navettes pour en cacher l’autre
partie dans la vigne de M. Guillaud sur la route de Toussieu.
Vers 16h30, une vingtaine d’hommes en colonne un à un
arrivèrent de la direction de la gare de Chandieu pour se diriger vers la route
nationale : impossible de savoir à qui l’on avait à faire, certains
affublés de chéchias de zouave, d’autres avec des équipements disparates… Amis
ou Ennemis ???
M. Le Maire se trouvait devant son portail et l’un des
hommes lui dit en excellent français : « Bonjour
Monsieur ! », les autres saluant simplement de la tête.
En arrivant au bas du Chemin Neuf et de la Route Nationale,
ils surprirent Messieurs Burdillon et Thomas en compagnie d’un maquisard de la
veille : c’est là qu’il sut qu’il s’agissait d’Allemands et de
miliciens ! Le maquisard prit la fuite en essuyant quelques coups de feu
et Messieurs Burdillon et Thomas furent emmenés jusqu’à Loire, rive droite du
Rhône, gardé pendant 48 heures, et renvoyés ensuite pieds nus.
Le lendemain 30 août, Madame Tony Gaillard vint voir le
Maire pour lui dire qu’elle venait de découvrir un blessé dans un fossé de la
route de Colombier. Le Maire demanda à Mademoiselle Blanc, sous-secrétaire,
d’aller récupérer le blessé : il était plus facile, en cas de rencontre
d’une patrouille allemande, pour une femme occupée à ramasser un peu d’herbe
pour ses lapins, de se tirer d’affaire !
Malgré la gravité de la situation, les villageois attendaient impatiemment la Libération avec joie !
Rien ne se passa les 30, 31 août, et 1er
septembre. Le 2 septembre, lors de sa tournée du matin, le Maire apprit que les
Allemands s’étaient repliés sur Lyon, vers 4 heures et demi, après avoir établi
un énorme barrage fait de camions et de charrettes, reliés par des barbelés en
face du garage de M. Armanet, à côté de l’hôtel de Savoie.
Ce barrage était en outre farci de grenades : le Maire
le fit garder par deux pompiers afin d’éviter tout accident.
Vers 7H45, des soldats américains se mirent à enlever ce
barrage.
Estimant son rôle à peu près terminé, le Maire rentra chez
lui, mais, vaincu par la fatigue des jours précédents, l’angoisse et l’émotion
ressentie en entendant les chars américains qui arrivaient par le sommet de
Bideau, il s’écroula dans sa cours en criant :
« Nous sommes sauvés, Vive la France ! ».
Après s’être remis, il rédigeait plus tard la proclamation
qui fut affichée dans la commune :
« VIVE LA France
Merci à nos vaillants Alliés qui ont jeté le poids
formidable de leur puissance dans la bataille de l’HONNEUR et de la LIBERTÉ.
Merci à notre armée victorieuse, à nos F.F.I.
Merci à Vous, les Combattants des groupes de la Résistance.
C’est grâce à leur courage, à leur confiance inébranlable
dans les destinées de la Patrie, que la France se retrouve.
Avec Elle, nous retrouvons tout ce que nous avons de plus cher :
NOTRE LIBERTÉ D’HOMME ET NOTRE DIGNITÉ DE CITOYENS
Et maintenant au travail !
Que dans l’union intime des cœurs et la farouche volonté des
âmes, nous n’ayons qu’un seul but : Rendre à notre pays sa véritable
place :
La première parmi les nations d’avant-garde.
VIVE LA FRANCE ! VIVE LA RÉPUBLIQUE ! »
Les troupes américaines continuèrent sur Lyon dont elles
s’emparèrent le même jour.
Un aumônier américain demanda à Monsieur Barbier
l’autorisation de dire sa messe dans la salle de la Mairie, ce qui lui fut
accordé, tout en trouvant bizarre qu’il ne se soit pas rendu à l’église.
Un détachement d’aviateurs séjourna trois semaines dans la
commune. Il fut remplacé par un dépôt d’aviation, une centaine d’hommes, qui
séjourna jusqu’en septembre 1945, sous les ordres du Commandant Duboeuf.
Les villageois voulurent remercier leur Maire qui, après
avoir refusé à plusieurs reprises, consentit le 24 novembre à l’ouverture d’une
souscription à laquelle très peu de familles ne participèrent pas. Deux
tableaux souvenir manifestant la gratitude et la reconnaissance de la commune
furent remis à Marcel BACONNIER, qui consacra le solde à l’érection d’un
monument à la mémoire des fusillés du 17 juin, route de Colombier… mais ça,
c’est une autre histoire….
Voilà terminer cette brève reconstitution d’un épisode qui
marqua longtemps les mémoires de ses habitants ayant échappé au pire !
« Le temps n’est qu’un instant Présent. Qui oublie le
passé ne saurait comprendre l’avenir » ! (Sénèque)
Sources : Souvenirs de M. Baconnier (H. Charlin et M. Demarcq) et Le
Progrès & sources locales
- L'apothicaire M. Weill
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