LE SAVIEZ-VOUS ?
UN PRÊTRE RÉFRACTAIRE A SAINT LAURENT DE MURE EN 1801 !




Avant tout, il faut préciser qu’à la veille de la Révolution, l’Isère compte près de quatre-vingts couvents et monastères, l’arrondissement de Grenoble étant le plus fourni en la matière. Mais, les biens ecclésiastiques sont rapidement vendus comme biens nationaux, tels ceux appartenant aux Augustins, à Crémieu.
À partir de 1790, les ecclésiastiques du département acceptent majoritairement de prêter serment de fidélité à la constitution civile du clergé, malgré quelques résistances en Bas-Dauphiné, notamment dans les Terres Froides où se concentrent les prêtres réfractaires !
La déchristianisation voulue par les révolutionnaires sous la Terreur touche inégalement le département : elle concerne davantage l’espace urbain, c’est-à-dire Grenoble, et les espaces environnants.
Au contraire, les populations rurales du Bas-Dauphiné moins enthousiastes à l’égard du nouveau culte révolutionnaire, subirent les menaces d’armées révolutionnaires parisiennes et locales .
Comme dans de nombreux villages de France, les paysans se sentent liés à leur village d’origine par un profond attachement sentimental : c’est la patrie des ancêtres, c’est un espace vécu que l’on connaît et que l’on maîtrise, avec ses codes, ces saints locaux, ses patois, ses paysages, ses rites, sa parentèle …
D’une certaine manière, le clocher symbolise cette relation spirituelle qui unit les paysans à la communauté ou au village. La pénétration de la société englobante y est donc plus difficile.
L’étranger à la communauté surprend ou fait peur, à tel point que la gendarmerie, corps exogène au village, est régulièrement accueillie dans les villages du Bas-Dauphiné avec hostilité et vécue par les villageois comme une intrusion ou une agression !
Voyons donc ce qui se passe à Saint Laurent de mure à cette époque-là … En 1801, le sous-préfet de Vienne est informé par le commandant de la gendarmerie de St Laurent de la présence d’un prêtre sur la commune.
Un mois plus tard, il envoie simultanément une lettre à Claude Bied, maire, et au commandant...

En 1801 donc, le sous-préfet de Vienne envoie une lettre à Claude Bied, maire et au commandant de la gendarmerie de Saint Laurent de Mure !
La lettre au commandant ne s'encombre pas de formes : c'est une suite d'ordres et de directives pour lui indiquer la marche à suivre vis à vis du réfractaire et de Claude. En effet, Hilaire ne semble pas certain de l'adhésion sans réserve de ce dernier.
Il demande au commandant de fermer lui-même la chapelle dans laquelle le "prêtre insoumis... exerce le culte en public" si, "ce qu'il ne peut présumer, (Claude), se refusoit à exécuter ce (qu'il) lui prescrit". Hilaire met tout de même le commandant en garde et l'invite à ne pas "inquiéter (le prêtre) dans l'intérieur des maisons, à moins qu'il y eut à sa suite des rassemblements dangereux".
La lettre envoyée à Claude Bied est nettement plus diplomatique même si elle reste assez froide pour rester sans appel.
Le ton est donné dès le début: "Je suis informé citoyen maire, qu'au mépris de ma lettre du 19 pluv. dr vous souffrez qu'un prêtre étranger et insoumis, exerce le culte dans une chapelle rurale de votre commune, y attire un concours nombreux, ce qui occasionne et renouvelle des divisions et par conséquent des troubles".
Par la suite il l'engage à "faire cesser ce désordre" lui-même en fermant la chapelle et en interdisant au prêtre d'exercer le culte public tant qu'il ne "justifiera de la promesse de fidélité à la constitution de l'an 8".
Le sous préfet, s'il n'indique pas au commandant ce qu'il doit faire du prêtre, ordonne à Claude Bied : "vous le feriez arrêter, comme perturbateur, pris en flagrant de délit, s'il ne se conformoit pas à vos ordres". Pour s'assurer de l'aboutissement de cette affaire, il lui demande en plus de lui "rendre compte du résultat des démarches".
Manifestement Claude Bied se rend à Vienne pour rencontrer le sous-préfet et avoir une explication.

Peu de temps après l’ entrevue que Claude Bied eu avec le sous-préfet de Vienne, il reçoit la lettre suivante :
"Oui, citoyen Maire, les citoyens peuvent s'assembler où ils veulent, pour prier Dieu chacun à leur manière; mais la loi voulant que les ministres, avant d'exercer le culte publiquement, n'importe en quel lieu, fassent la promesse de fidélité à la constitution de l'an 8, il est de votre devoir et du mien d'empêcher tout exercice public de la part de ce prêtre insoumis.
Ma circulaire du 19 pluviose est assez explicative et la conversation confidentielle et amicale que j'eus avec vous chez moi, vous a fait connaître à ce sujet, nos dispositions et mon opinion particulière ; mais comme fonctionnaire, je n'ai d'autre volonté que celle de la loi et lui faire toujours le sacrifice de mon opinion.
Au moment où le gouvernement s'occupe de tout réunir, de tout concilier, pourquoi de la part de ces prêtres, anticiper la publication du Concordat, ou plutôt pourquoi cette obstination de refuser la promesse de fidélité due à toute puissance qui gouverne, commandée par le Dieu même qu'ils adorent. Est-ce exercer la charité que de s'obstiner et résister au gouvernement et à ses agents et à catheriser (?), en le mettant en révolte contre lui par la désobéissance, les citoyens paisibles et peut-être trop confiants ? Et vous, citoyen maire pourquoi trouver votre autorité compromise par ce que la loi et vos devoirs vous obligent à empêcher ce désordre, et que j'ai un devoir l'exiger rigoureusement ?
Je vous recommande donc de laisser prier vos concitoyens, prier Dieu à leur manière et de ne pas souffrir que un ministre du culte se permette de l'exercer en public qu'il n'ait fait devant vous, sa promesse de fidélité à la constitution de l'an 8, ou qu'il ne vous en ai justifié.
Voilà, citoyen à quoi vous et moi devons nous en tenir, n'étant pas en notre puissance de faire autrement et ne croyez pas qu'en suivant cette conduite l'autorité de votre place soit avilie.
Votre place, dites-vous n'est pas éternelle, vous savez qu'elle dépend de votre, l'espoir d'un terme pour avoir paix et tranquillité, est vous le savez bien, à votre disposition : il ne tient qu'à vous d'accélérer à terme et (xxx) pour le conseil de la sous-préfecture qui me rapprochera de vous de plus près et où vous n'aurez pas d'occasion, comme étant maire, de vous croire en opposition entre la loi et vos opinions".
C’est la raison pour laquelle, durant la révolution française, un bon nombre de prêtres, ayant refusé de prêter le serment, et remplacés par des constitutionnels, devant la menace d'une déportation, décident de quitter le sol de France.
Son importance numérique est, au minimum, de 22 000 à 25 000 prêtres et religieux sur les 120 000 ecclésiastiques de 1789. On en retrouve dans une douzaine de pays d'Europe, jusqu'en Russie
Le 25 janvier 1794, un arrêté est pris ordonnant que les prêtres réfractaires soient conduits de brigade en brigade jusqu’au port le plus proche : Bordeaux ou Rochefort.
Ils y seront détenus jusqu’à ce que des bâtiments de commerce nécessaires à leur transfert aient été affrétés pour être déportés en Guyane.
• 1.494 prêtres furent dirigés sur Bordeaux,
• 829 sur Rochefort.
mais on suppose que ces chiffres sont incomplets et qu'en réalité il y en eut beaucoup plus !
Merci à #JacquesSaintAntonin pour le partage de cet épisode de l'histoire de notre village !







Commentaires

  1. Encore une page d'histoire que je ne connaissais pas merci de me l'apprendre !!

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