LE PRIEURÉ DE POULIEU  



L’origine de Poulieu est incertaine, même si son occupation plus ancienne que 1150 paraît probable. Son site est favorable car étroitement associé aux voies de communications. De plus, Poulieu est bien situé entre ses dépendances. Enfin, la colline qui supporte la plupart de ces village est une terre fertile, située au-dessus d’une très grande forêt.

Et ce serait en 984 qu’apparaît l’église de « Saint-Laurent-Outre-Rhône » avec ses dépendances. Entre 1143 et 1147, elle passe à l’abbaye d’Ainay, et dès 1153 il est fait mention dans les textes de l’église de Poulieu, peut-être alors une paroisse.

En 1250 les archives nomment « le domaine de Poulieu, la juridiction temporelle qu’ont les moines d’Ainay au prieuré Sainte-Marie avec toutes ses dépendances ».

Le bâtiment primitif est un château (1213), avec une enceinte. Les aspirations spirituelles des fondateurs du prieuré répondent à l’obligation d’un renoncement véritable fondé sur la chasteté et la pauvreté : il faut fuir le monde !

Cette création répond aussi à l’obligation pour ce grand Seigneur qu’est l’Abbé d’asseoir son autorité sur des terres nouvellement défrichées.  Le rôle est également d’exploiter les champs et les prés qui en dépendent pour servir de moyen de subsistance pour les religieux. Ainay, abbaye riche et influente, possède alors un vaste réseau de prieurés.

Ses prieurés sont des dépendances consistant en un bâtiment habité par un petit nombre de moines sous la direction d’un prieur nommé et révoqué par l’abbé.  Ils servent d’appui au réseau de la seigneurie ecclésiastique de l’abbaye. 

Cependant dès 1251 le prieuré est uni à l’abbaye d’Ainay et perd son indépendance. On ne sait presque rien sur la chapelle priorale. En 1693, une seule mention laconique nous dit : « à l’entrée dudit chasteau estait la chapelle d’icelluy dont on se sert présentement pour thenaillier. »

On ne connaît pas non plus l’activité spirituelle des bénédictins qui y priaient, ni même leurs noms et leur nombre, pas plus de deux ou trois semble-t-il. Dès 1225, le prieur nomme les curés des villages voisins : Saint Laurent, Saint Bonnet, Grenay, Colombier, Saugnieu et Arcieu.

Le nombre de paroisses est important et l’on comprend alors que ce tissu serré de villages fût conservé intact jusqu’à la Révolution sous la forme d’une dîmerie. On connaît mal le prieur, et son nom est rarement cité : seul Guillaume PARENT est connu en 1284. Poulieu n’est d’ailleurs qu’un passage pour lui, il se fera enterrer à Lyon, car, et ce n’est pas le seul dans ce cas, il a une fonction importante à Ainay.





On sait aussi qu’au Moyen Âge, devenir prieur de St-Symphorien-D’Ozon semble être une promotion. On connaît aussi mal les habitants de Poulieu, mais bizarrement, on sait qu’il subsiste encore beaucoup de non-libres aux XIVème et Xième siècles (L’institution de l’esclavage est considérée comme naturelle durant tout le haut Moyen Âge )

Les rapports du prieur avec les prêtres locaux sont parfois difficiles, surtout en ce qui concerne les dîmes. En 1261, on sait qu’il surveille attentivement le numéraire de la paroisse, renfermé dans un coffret fermé par trois clés dont deux lui appartiennent ! Mais il a aussi des devoirs envers le desservant qui a droit à trois repas par semaine au prieuré, et diverses redevances.

Le XIVème siècle troublé est une période de profonde mutation pour Poulieu : désormais c’est un simple moine qui gère le Prieuré qui voit s’effriter son importance et surtout se défaire des liens avec Ainay.

Entre 1310 et 1327, le prieuré est directement rattaché aux revenus du seul abbé qui prit alors le titre de Prieur, et put donc exercer lui-même la justice, notamment lors du meurtre d’une paysanne sur ses terres en 1316.

Entre 1320 et 1380, c’est un administrateur (ou son délégué) qui prend en charge le domaine, car en ces temps d’insécurité, le bâtiment avait été détruit, le prieur lui-même n’y vient d’ailleurs que de temps en temps.

Ainay a besoin des domaines à la campagne pour subvenir à ses propres besoins : en 1316, les abbés d’Ainay réclament « trois pains d’une livre, ainsi qu’une live et demi de bon vin ». Pain et vin sont effectivement à la base de l’alimentation médiévale. Les aliments qui accompagnent le pain nous sont connus par le menu détail des moines en 1396.

Pour chacun d’eux, le menu des dimanches, lundi, mardi et jeudi se compose :

-          - De novembre à février d’une demi-pièce de bœuf ou de porc, de potage et de lard.

-          - De juin à septembre d’un quart de quartier de mouton ou de porc.

-          - Et d’octobre à la mi-novembre une demi-pièce de bœuf, de mouton ou de porc.

Le menu des mercredi, samedi et vigiles est plus simple : un quart de livre de fromage et cinq œufs.

Pendant l’Avent et le Carême : deux morceaux de poissons.


La nourriture riche des moines répond à une aspiration exigeante qui, en 1390, avaient réclamé des vins savoureux… Les prieurés, et notamment celui de Poulieu, apporte du vin, mais surtout du bois, de la viande et du lait.

On y cultive d’abord et bien évidemment les céréales, on pratique l’élevage, on travaille les petits jardins bien fumés, qui s’avèrent utiles pour compléter l’alimentation quotidienne. Les vignes sont immenses et le chanvre bien cultivé.

Mais la vraie richesse du prieuré réside en son immense forêt, qui couvre la grande majorité de son territoire, surtout à Planaise.

A cause des défrichements, les bois sont un bien rare dont la déprédation est très surveillée dès 1258 ! Cette immense forêt sert pour le bois de construction, mais surtout pour l’élevage. Ainsi se trouvent à cette époque d’immenses troupeaux de porcs, paissant dans la forêt humide. La renommée des bois est alors telle que des troupeaux entiers d’animaux viennent des monts de l’ouest lyonnais paître dans ces contrées. Lyon a effectivement besoin de beaucoup de viande et de lait. Il n’est pas étonnant de constater alors que Poulieu est la principale dépendance économique d’Ainay.

Certes, l’important prieuré de Chazay-d’Azergues rapporte plus de redevances en argent, mais son territoire est trop exigu pour des exploitations convenables. Poulieu alors obtient des résultats agricoles convaincants !

Cependant, et pour simplifier la comptabilité, devant la ruine des bâtiments prioraux, le prieuré et sa dîmerie sont affermés au XVème siècle. Cela rapporte plus et mieux que la gestion directe car les fermiers, les bourgeois locaux, pour rentabiliser leur investissement poussent la production, qui s’accroît dès lors.

Dans les années 1310, Saint Laurent est vendu par le Seigneur de Chandieu, qui le possédait, à la maison de Savoie. Le Dauphin, par vengeance, occupe alors le village, qui reste dans l’orbite dauphinoise et détruit le prieuré. Les soldats rendent la terre stérile par leurs pillages ! La peste de 1348 provoque également l’abandon des terres par la mort de leurs exploitants.



En 1430, durant la guerre de Cent Ans, en plus d’une proche bataille, des soldats démobilisés détruisent le hameau de Saint-Romain, entre Saint Laurent et Poulieu, pendant que les habitants se sont réfugiés à l’intérieur de l’enceinte protectrice du château delphinal.

Les soldats profitent de la panique pour s’attaquer également au prieuré. Au début du XVème siècle, les bâtiments prioraux ne sont alors plus qu’une grange ruinée.

Dans les années 1480, des besoins pressants de trésorerie sont exigés par l’abbé Théodore du Terrail, oncle du chevalier Bayard, pour reconstruire le prieuré, destiné désormais à être une de ses maisons fortes, en tout cas un lieu où se réfugier en cas de troubles, et accessoirement une résidence d’été durant la saison chaude.

Les travaux se dérouleront entre 1484 et 1488. Nous ne connaissons pas tous les bâtiments de cette époque malheureusement. Au XVIème siècle, Poulieu devient un hameau du village de Saint-Laurent dont la population croît régulièrement

Durant les guerres de religion, notamment entre 1557 et 1562, où le château comme la chapelle du hameau sont incendiés par les protestants, et en 1590, où celui de Saint-Laurent est assailli et démantelé en partie, Poulieu avait en effet beaucoup souffert des troubles civils.

Au cours du XVIIème siècle, l’abbaye d’Ainay en proie à de graves difficultés d’ordre économique et spirituel doit vendre une partie de son grand domaine.  Et en 1604, seuls Chazay et Poulieu demeurent en la possession de l’abbé.

Dès 1640, les bâtiments du prieuré sont transformés en greniers ou écuries.  Vers 1670 l’abbé fait encore restaurer la chapelle du hameau qui avait été construite en même temps que le château. Mais cet acte sera le dernier significatif dans la région En 1650 le château de Poulieu est tout de même loué, puis finalement vendu en 1713.

En 1650 donc les propriétaires effectifs du château sont les Roche-Lavareille, châtelains de Colombier, parents avec les Roche-Duclos, châtelains de Saint-Laurent.



En 1693, lors d’une visite, l’abbaye d’Ainay constate amèrement que Michel Roche du Plantier, fermier bénéficiaire du domaine, a démoli un corps de logis et coupé tous les arbres des bois de Mont-Chat (260 hectares) : « Ce bois estoit garny de quantité de gros arbres, chesnes et aultres, dont l’on dict y en avoir vu qui on fait cinquante charretées de bois. Tous ces arbres ont esté coupés et vendus … et il y en avoit sy grande quantité, qu’il envoyoit des radeaux chargés à Lyon par le Rhosne… Il a consumé grande partie desdicts bois et il en a donné à qui en a voulu, pour peu de choses ».

Cependant, Michel Roche du Plantier a aussi fait accroître les revenus du domaine et c’est cela qui gêne le plus les visiteurs envoyés par Ainay, tenue à l’écart des fruits de la croissance. Il a construit une ferme, avec l’aide de Jacques Roche-Lavareille, la clôture et le pigeonnier, signes ostentatoires de leur nouvelle fortune et du rang que leur confère le château.

Ce dernier n’est d’ailleurs pas oublié, car ses parties habitées ont été réaménagées ou restaurées ; une « salle basse », un corps de logis et trois fours à pain y ont été construits. Devant toutes ces nouveautés, l’abbé veut récupérer le château « pour sa distraction » mais ne peut que doubler le prix de la ferme : le château et la chapelle quittent définitivement le giron de l’abbaye qui doit se contenter de récolter les fruits de l’affermage des dîmes. Et en 1693, la chapelle du château servira   d’entrepôt !

La famille Roche sera très présente, elle qui habitera le château jusqu’en 1840.

Source : Le prieuré de Poulieu – J. Montchal & Recherches

 

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