LES GENS D’ICI !
Hommage à M. Théophile RISKAL – 1896-1977
Peu de gens savent que plusieurs dizaines de milliers de soldats russes sont venus sur les fronts français en 1916 se battre à nos côtés, soit 44 000 hommes exactement, scindés en deux entre le front de Champagne et le front d’Orient !
Alors nous allons vous en conter l’histoire… et notamment celle du dernier cordonnier de Saint Laurent de Mure …
En 1915, la guerre a déjà été terriblement meurtrière pour les Français. Paris décide alors de mendier auprès du Tsar
Nicolas II des hommes contre des armes. La France espère récupérer 500.000 soldats, elle n’en obtient «que» 40.000 qui vont se battre à partir de 1916 sur le sol français et sur le front de Salonique.
Sur quatre brigades mises sur pied, deux d’entre elles, les 1ère et 3ème, partent pour la France. La 1ère débarque à Marseille en avril 1916 via la Sibérie et la voie maritime de Vladivostok : après un voyage de 60 jours en bateau et 30 000 kilomètres….sous le commandement du major- général Lokhvitsky.
Ces troupes s’entraînent et se regroupent à Mailly-le-Camp dans l’Aube.
Les troupes russes, après avoir subi d’importantes pertes près d’Auberive à l’est de Reims, sont lancées dans la grande et sanglante offensive du Général Nivelle en avril 1917, au cœur du dispositif d’attaque, et perdent 4 500 hommes.
1917. Arrive la Révolution russe. L’agitation gagne les rangs des soldats russes. Le commandement français, qui doit déjà faire face aux mutineries des poilus français, préfère isoler ou plutôt enfermer ces Russes dans un camp, à Courtine , dans la Creuse.
En juillet, ces soldats enfermés dans ce camp se soulèvent : mauvais traitement et désir de rapatriement les motivent.
En septembre, la mutinerie est «réduite» par l’armée française (avec un bilan officiel d’une quinzaine de tués, beaucoup plus selon d’autres sources !! ).
Alors que les « bolchéviques » prennent le pouvoir à Petrograd et engagent des négociations de paix avec les Allemands, Paris se demande alors «que faire» de ces soldats russes ?
Le bilan officiel est d’une quinzaine de morts chez les mutins. Le bilan officieux, établi par différents historiens, fait lui état d’au moins une centaine de morts et de blessés. 81 meneurs seront incarcérés à l’Île d’Aix.
Après la répression, il restera à La Courtine 7 500 soldats russes ne jouissant d’aucune liberté, et les comités seront dissous.
A part quelques centaines de volontaires (comme le futur maréchal de l’URSS Malinovski) qui choisissent de continuer à se battre, et quelques dizaines de leaders de la mutinerie qui se retrouvent détenus sur l'île d'Aix, les autres (environ 10.000) sont transformés en «travailleurs»…
et Paris décide de les éloigner en Algérie pour fournir des bras dans ce territoire alors français dont beaucoup d’hommes, «Européens» comme «musulmans», ont été envoyés se battre contre les Allemands.
Monsieur Théophile RISKAL pour ceux qui l’ont connu a fait partie de ceux-là : il est donc envoyé en Algérie pour y travailler… et ne rentrera en France que trois ans plus tard…
car « Libérés » sous réserve de travail forcé, ce n’est qu’en 1919 que ceux qui le désirent pourront rentrer chez eux en échange de prisonniers français.
Théophile RISKAL épousera en 1925 une fille de l’Ardèche, Alice : La famille habitera à Lyon, puis à Grenay, avant de se fixer à St-Laurent-de Mure autour des années 1942.
Ils auront cinq enfants. Sur la photo ci-dessous on trouve notamment de gauche à droite Mr Rouquette , Théophile Riskal avec des lunettes, ses filles Michelle et Mireille, et Mme Rouquette.
Une de ses filles est encore bien là sur notre village, on la croise souvent sur le marché le samedi matin… saurez-vous nous dire de qui il s’agit ?
Théophile RISKAL était né le 24 octobre 1896 en Russie à Arkadieff (voir sa carte d'identité ci-dessous), dans les environs de Kiev, actuellement en Ukraine : difficile de retrouver son village d’origine car après la révolution russe, beaucoup de noms ont été modifiés à l’image de St Pétersbourg, appelé Pétrograd puis Léningrad avant de retrouver son nom d’origine en 1991 !
Finalement, l’histoire aura laissé une ironie dans ces terribles évènements vécus par M. Riskal et ses compatriotes : venu jusqu’en Russie tsariste chercher des hommes à envoyer se faire massacrer en silence pour la cause impérialiste, le gouvernement français s’est trouvé avoir ramené sur son territoire des citoyens pour certains enthousiastes de la Russie révolutionnaire.
Monsieur Riskal était un homme qui aimait à raconter des histoires drôles, sans doute pour oublier aussi toute cette partie de sa vie qui, elle, n’avait pas été des plus drôle !
Certains ont tenu de lui-même que, pendant la période trouble de la libération en 1945 où beaucoup de ses compatriotes étaient déplacés et pas d’accord pour rentrer chez eux sous le régime des soviétiques, il a servi d’interprète à la Préfecture du Rhône, preuve d’une part qu’il n’avait pas oublié sa langue maternelle et d’autre part qu’il maîtrisait bien le français…
Car, il faut dire qu’après ses études au collège, il avait appris le français tard, après l’école militaire : il était lieutenant d’artillerie !
C’est aussi cela notre village : une richesse de personnes avec des origines diverses et qui ont su s’intégrer à une communauté de vie !
Une petite pensée pour Lydia, qui doit être si fière du chemin parcouru par son papa... Lydia, sa fille, devenue Madame Ollivieri….Merci à elle pour nous avoir autorisé à publier une épisode de son histoire familiale…
Une bien touchante histoire et un grand Monsieur….
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