PATRIMOINE ET HISTOIRE
LE CHATEAU DELPHINAL  






En 1310, Catherine de Miolans, mariée à Pierre de Chandieu en 1297, veuve et avec un enfant trop jeune pour succéder à son frère, agissant au nom de son fils, Jean de Chandieu, vendit Saint-Laurent au comte Amédée V de Savoie. Peu après cette extension savoyarde, le dauphin Jean II d’Albon (Jean II de la Tour du Pin dit Jean II de Viennois comte d’Albon) occupa notre pays et, pour bien affirmer ses prétentions, entreprit la construction du château dont nous pouvons toujours aujourd’hui en admirer les ruines et nous faire ainsi une idée de son importance de l’époque.

Construit entre 1310 et 1314, cette importante place delphinale fut concédée officiellement aux dauphins par le Traité de Villardbenoît le 10 juin 1314 :

L'église de Villard-Benoît est choisie pour la signature d'un traité de paix,   entre le comte de Savoie Amédée V, et le dauphin de Viennois Jean II, sous les auspices de l'archevêque de Tarentaise, Bertrand Ier de Bertrand, et l'évêque de GrenobleGuillaume IV de Royn. Le traité stipule que les deux princes échangeront des mandements, mais aussi qu'ils ne feront plus construire de bâties dans deux zones limitrophes : entre les Molettes et le Bréda au mandement d'Avalon et dans le mandement savoyard de Voiron et de La Buisse, si proche de Grenoble . Cette trêve reste à peu près respectée .

 Le dauphin Jean institua à Saint-Laurent-en-Viennois une châtellenie qui pourvoyait la nouvelle forteresse d’un commandant militaire, le châtelain, chevalier vassal, chargé d’établir tous les ans une comptabilité et de faire respecter la juridiction delphinale.

Les archives nous font connaître bon nombre de ces châtelains recrutés parmi les familles les plus notables de la région.

C’est ainsi que s’organisa le « mandement » de Saint-Laurent qui comporta désormais quatre différents lieux : la paroisse de Saint-Laurent, Poullieu, Mures et Quincieu, petit village à l’entrée d’Azieu.

 

Le château et le mandement de St laurent avaient appartenu à un Seigneur nommé Antelme ou Jean de St Laurent qui avait un jour insulté un officier du roi de France : « super castro e mandamento Sancti Laurentii , diocesis Lugdunensis »

Le roi s’était emparé du château par la force des armes et l’avait donné au Dauphin en considération de certains services . Depuis lors le Dauphin le tenait en franc-alleu et y exerçait toute la juridiction. Tous les feux du mandement au nombre de 215 lui payaient la taille et lui devaient le service militaire.

 

Mandement de Saint-Laurent (Mand. Sancti Laurentii)

2 paroisses, 215 feux. Isère, arr. Vienne, c. Heyrieux.
Saint-Bonnet-de-Mure (Sancti Boneti), 55 feux.
Saint-Laurent-de-Mure (Sancti Laurentii), 160.

Le Châtelain de Saint Laurent, désigné par le dauphin, était chargé de gouverner en son nom le château et la juridiction. Il était astreint à la résidence dans ses murs, chargé de présenter un livre de comptes une fois l’an et de faire respecter la juridiction des dauphins dans le territoire relevant de la châtellerie, soit Saint Laurent, Poullieu, Mures et Quincieu.

De 1335 à 1420… Un peu d’histoire pour comprendre !!!

Le Dauphin Humbert II, après avoir perdu son fils unique André, en octobre 1335, avait songé au sort de sa femme et lui avait assuré la jouissance, sa vie durant, de quinze châteaux, dont six étaient situés dans la terre de La Tour. C'étaient" Crémieu, Quirieu, Morestel, St-Sorlin-en-Bugey, Colombier et Sablonnières.  Cet acte de donation avait été passé à Crémieu, dans la maison des Augustins, le3 mars 1336.  A la fin de l'année 1338, Humbert II chercha un autre acheteur et proposa au pape Benoît XII de lui céder ses droits de suzeraineté sur une partie du Dauphiné. Finalement, le Dauphiné, annexé après le traité de Paris en 1355,  fut « transporté » à la couronne de France en 1349, sous Philippe VI de Valois, Roi de France

Le château de Saint Laurent quant à lui fut inféodé par CharlesVI, dauphin de France.

Le transport du Dauphiné à la Couronne de France en 1349 est réputé avoir entraîné l’un des plus importants déplacements de frontière que connut l’Occident au cours des trois derniers siècles du Moyen Âge. Ce transport fut pacifique, rentable et sans incident majeur ;

 

-      Pacifique : il ne s’y développa point, contre les Valois, de rébellion endémique semblable à celle qui agita la noblesse de la Comté dans le demi-siècle précédent ; sur la scène internationale, et notamment du côté de l’Empire, les opposants potentiels au traité se tinrent coi, à deux exceptions près, sans grande portée nous le verrons.

-      Rentable : une quinzaine d’années après le transport, les Dauphinois payent au roi de France, sans trop rechigner, un impôt direct lourd, très lourd.

-     Servile et serviable : très vite, dans la décennie qui suit le traité, la principauté fournit un vivier très riche d’officiers de haute volée ainsi que de vigoureux soldats.

-     Fidèle : il devient un indéfectible point d’appui pour le dauphin et les Armagnacs un demi-siècle plus tard.

Poursuivons notre enquête historique ….

Le Dauphin Humbert II, qui sut doter son domaine d’institutions solides, imposer avec force son autorité et, en une période d’épanouissement des principautés dans l’ensemble de l’Occident, confirmer son statut princier par toute une série de mesures de prestige – création précoce d’une université à Grenoble en 1339, croisade en Orient – dut accepter l’échec de ses ambitions et de ses rêves.

Mais par le « Transport » de 1349 à la couronne de France, il parvint au prix de son sacrifice personnel, à sauver précisément son Dauphiné de toute fusion ou annexion à une principauté proche. Nanti d’un Statut protecteur, objet d’une union personnelle – « ne sera, ne puisse être uni le dit Dauphiné au royaume de France fort tant que l’Empire y serait uni », il allait devenir l’apanage prestigieux de l’héritier du trône.

Le château de Saint Laurent fut alors inféodé vers 1358 à Hugues de Genève, dernier seigneur en titre de la baronnie de Gex. Il est l'un des fils cadets du comte de Genève, Amédée II et de son épouse d'Agnès de Chalon. 

C’est son fils, Aymon de Genève qui en hérita à la mort de son père en 1365, et il en fit héritière sa sœur, Béatrix de Genève, mariée à Frédéric II, marquis de Saluces , en italien « Federico II del Vasto ou di Saluzzo ». (Saluces est une ville italienne située à moins de 59 kms au sud de Turin dans le Piémont, province de Coni).

Ce fut la marquise de Saluces qui autorisa la construction de petites maisons en pisé à l’intérieur du « vingtain », enceinte fortifiée, du château, ce qui donna naissance à un nouveau quartier de Saint Laurent encore appelé de nos jours « la ville », et dont le plan n’a guère changé au cours des siècles.

La couronne dota le Dauphiné de deux institutions majeures, qui devaient resurgir en pleine lumière au moment de la Révolution : les États, voulus par Charles V, le premier dauphin royal, et le Parlement, l’un des premiers parlements provinciaux, établi en 1453 par Louis II, le futur roi Louis XI, alors résidant en sa principauté. Dès ce moment, fruit du loyalisme constant des Dauphinois tout au long de la guerre de Cent Ans, se dessinait une province de France.

 




Oups… un petit retour en arrière : construction oblige !!!

« Le capitaine Châtelain de 1313 à 1315 est Rosset d’Abresle ou Dabrille. Il fait construire une route qui part du château et paye Etienne de Pannas pour l’avoir empierrée avec les cailloux apportés par Jacquemet Paleyron. Martin Brannozon et Barthélémy, habitant de Mures, ont eux aussi travaillé à cet ouvrage.

En 1315 on poursuit les travaux et on paye les transporteurs de matériaux et les neuf tailleurs de pierres présents sur le chantier, dont Bruand, Michel Chavray et Jean Chambard. En 1318 les deux derniers seront sollicités pour la construction de l’enceinte du bourg ainsi que pour la réparation du château et de ses palissades.

Ils sont chargés en 1319 de clore le château et le bourg en construisant les murs d’enceinte. Ils semblent utiliser de la molasse prise à Jameyzieu pour le chaînage d’angle, les murs des tours sont, eux, construits en alternant briques et galets roulés, ce qui leur donne un aspect particulier, liés avec de la chaux préparée dans le four qu’ils ont construit. Aptès cette date, le château semble achevé. »

Extrait de « Autour du Plastre deMures … » De H. Charlin et J. Montchal

 Sur le plan du vingtain delphinal, extrait du cadastre Napoléon, met en évidence l’église, le château et son enceinte. On remarque autour de l’ancienne église le premier cimetière, son extension au XIXè siècle et sa suppression depuis 1854. On voit également le tracé des rues d’autrefois, les maisons de quartier de la ville serrées les unes contre les autres depuis 1430, ce qui subsiste aujourd’hui du vingtain.

La forteresse occupe une petite butte trapézoïdale de 1 500 mètres carrés, des fossoiements de 4 à 5 mètres de profondeur ont été effectués pour sa défense. Le château est commandé par un accès puissamment fortifié : un châtelet d’entrée ou plutôt tour-porte d’une hauteur à l’origine de 16 m, comportant un assommoir ( c’est une ouverture (simple trou ou trappe) dans une voûte, un plafond ou un chemin de ronde permettant aux défenseurs de laisser tomber divers objets sur l'assaillant pour l'assommer). Au fond de la cour intérieure se trouve le puissant donjon qui devait atteindre la hauteur très symbolique de 20 ou 22 mètres et dont l’épaisseur des murs ne va pas au-delà de trois mètres. Rond à l’extérieur, l’intérieur est carré et l’on y voit encore la trace de fenêtres gothiques et d’escaliers.

De 1316 à 1317, Jean JANIN a la fonction de capitaine-châtelain. La première année de son mandat, il en profite pour préciser les limites de la ville : « du village de Saint-Laurent au lieu où est la croix dite des Palmes des Rameaux (Le Rampeau), et de là jusqu’à la côte sous Saint-Laurent à Planaise, et de là jusqu’au lieu des vieilles sablières (au Nord dans la plaine), et de la jusqu’au potager d’Algra , et de là jusqu’aux poiriers du nommé Filliat, et de là jusqueà la voie appelée Grande Reyse et de là jusqu’à la triève (carrefour) de Bordeyse, et de là longeant le fossé (ou la mare, ou la borne) antique jusqu’au lieu de la croix susdite ».

 







Les châtelains de St Laurent 


Le châtelain dans un village comme le nôtre peut être un grand personnage et Saint Laurent n’est alors qu’une étape dans leur carrière. Il y en eut beaucoup, en voici quelques-uns :

·        -  Amblard de Briord, ayant aussi un lien avec Colombier, gouverna le mandement de Saint-Laurent de 1318 à 1319

·        -  Pierre Allemand, descendant d’une bonne famille de Demptezieu,   de 1320 à 1321

·        -  Etienne de Loras, issu d’une très grande lignée,   1323 à 1328. On entendra parler encore des De Loras à Saint Laurent au XVIIIème siècle

·        -  Hugues des Asnières , qui tint son nom de la maison forte familiale du hameau d’Asnière de Villette d’Anthon gouverna en 1329 (et occupa d’ailleurs des fonctions similaires à Lagnieu de 1330 à 1332)

·        -  Le chevalier Girard de la Poype qui provenait lui aussi d’une grande lignée de nobles régionaux,  de 1330 à 1332

·         - Guy d’Arlo de 1333 à 1336 mais aussi de 1340 à 1342 et en 1346

·         - Jean de Theys, Seigneur du Rosset, en 1337

·        -  François Vachier en 1343

·         - Guy de Palavin (ou Palanin) en 1344, 1345, 1347 et 1348 qui décède brutalement et est remplacé par Pierre de Borseu en 1349, 1350 et 1355.

·         - En 1339, il semble que ce soit Jean Paleyron, natif de St laurent, homme fidèle au dauphin et qui a peut-être joué un rôle plus important à Saint-Laurent.

A côté de ces châteaux qu’on retrouve dans chaque village ou hameau (il semble qu’il y en ait eu un à Grenay également), on voit apparaître des « maisons fortes » un peu plus tardivement, et qui voient l’arrivée de nouvelles élites comme à Saint-Laurent la famille des Garnier…. Mais ça nous en reparlerons prochainement !

 

Ce fut donc comme dit précédemment la marquise de Saluces qui permis la construction de petits maisons en pisé à l’intérieur du « vingtain ». Le nouveau quartier de la « ville » vit le jour ainsi.

Les heureux bénéficiaires de cette mesure exceptionnelle étaient accourus du quartier de Saint Romain, complètement ravagé et mis à sac : Rodrigue de Villandrando et sa bande de routiers espagnols d’Annonay, associée à un contingent de brigands lyonnais étaient à la solde du Gouverneur du Dauphiné pour déloger les troupes orangistes en 1430. Rodrigue sert, d’abord comme homme d’armes chez les Bourguignons d’où il est bientôt exclu. Il vit alors de brigandage et devient le chef d’une troupe de soudards et se fait 1 Chef d’une troupe de gens en armes plus ou moins contrôlés et qui « se loue » à un grand seigneur – des mercenaires en quelque sorte

Car il faut vous préciser que pendant que la France était éprouvée par la guerre de Cent-Ans, le prince d’Orange, Louis II de Chalon, s’attaqua aux villages du Bas-Dauphiné et s’empara, entre autres, du château de Saint Laurent en 1427. 

C’est pourquoi on vit arriver ce fameux Rodrigue de Villandro… Nicolas Chorier ( 01/09/1962- 14/08/1692) avocat, écrivain et historien français connu surtout pour ses ouvrages historiques sur le Dauphiné dont Histoire générale de Dauphiné, la première histoire du Dauphiné jamais publiée,  raconte que Rodrigue « pilla les habitants et les dépouilla tellement qu’il ne laissa aux femmes d’autres vêtements que leur chemise… »

 







Le dernier héritier des marquis de Saluces, Bertrand, avait laissé ses biens à son épouse Anne de la Chambre ; mais celle-ci céda ses droits sur Saint-Laurent à Louis de Chalon, prince d’Orange !!

En 1430 donc, le prince d’Orange, allié des Bourguignons veut s’emparer du Dauphiné. Le gouverneur du Dauphiné appelle Rodrigue à son secours. Habile tacticien, le routier inflige, à Anton, sur le territoire de l'actuelle commune de Janneyrias, une défaite cuisante au duc d’Orange. Pour le remercier, les Etats du Dauphiné le font Seigneur de Pusignan.

Quant au prince d’Orange, battu à Anton, il dut s’enfuir et vit ses biens, dont le château de Saint-Laurent, confisqués. Pour ce qui est de Rodrigue de Villandrando, ses exploits le font remarquer ; il devient écuyer de l’Ecurie de Roi Charles VII et continue d’affronter victorieusement les Bourguignons. En 1431, menaçant de piller le Languedoc, il est envoyé par le Roi de France combattre les Anglais en Guyenne. Mission bien remplie puisqu’il reçoit en récompense le château et les terres de Talmont sur l’estuaire de la Gironde.

Le fils du prince d’Orange, Jean de Chalon, sut agir assez diplomatiquement auprès du dauphin Louis II, futur roi Louis XI, dont il devint le conseiller, et obtint main levée sur les châteaux de Saint-Laurent, Colombier et Anton en 1475.

S’étant permis de critiquer la politique royale de Louis XI, Jean de Chalon fut accusé de félonie et, de nouveau, notre forteresse lui fut confisquée au bénéfice d’un nouveau favori du roi Imbert de Bathernay, devenu ainsi Baron d’Anton et Seigneur de Saint-Laurent !

 

Le nouveau favori du roi Louis XI est donc Imbert de Bathernay qui devient donc Baron d’Anthon et Seigneur de Saint-Laurent. En dépit de son impopularité, Imbert de Bathernay concéda à Saint-Laurent et à son mandement de nouvelles libertés en 1506. Imbert est né à Bathernay dans la Drôme en 1438 ,  d’où son nom… Imbert ne devient seigneur de Batarnay que par héritage en 1492, à la mort de son frère aîné qui en détient jusqu'alors le titre

 

Imbert a été Chambellan de quatre rois de France : Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François 1er, ce qui n’est pas rien ; tous ces rois le consultent sur des affaires importantes du royaume en lui confiant aussi bien des missions diplomatiques en France que des missions à l'étranger,  en lui demandant de négocier leurs mariages successifs ou en le chargeant de superviser l'éducation des enfants royaux.

Son rôle lui permet ainsi de récupérer des Seigneuries, des châtellenies dans de nombreuses provinces. Il devint ainsi un des hommes les plus riches du royaume, ayant par exemple comme débiteur le roi François 1er lui-même.  . Il meurt en 1523 à Montrésor en Indre-et-Loire.

Bien que très vieux et malade, Bathernay servit le roi François Ier. Il semble bien avoir connu Bayard. Il mourut en laissant une fortune considérable. Il eut une descendance illustre. Sa petite-fille fut la célèbre Diane de Poitiers (favorite du roi Henri II)  à qui échut quelque temps la seigneurie d'Ornacieux. Dans la postérité d'Ymbert, nous trouvons aussi le maréchal de Joyeuse [Guillaume de Joyeuse marié à sa petite-fille Marie de Baternay] et le connétable de Montmorency [Henri de Montmorency (1534-1614) marié à Antoinette de La Mark, descendante de Jeanne de Baternay sa fille].

Comme quoi le Seigneur de Saint-Laurent n’était pas n’importe qui : un des hommes les plus riches et les plus influents du royaume de France !!

 






Un des descendants d’Imbert, René de Bathernay, confirma à son tour les libertés et franchises « à eux cy-devant concédées et octroyées par feu de bonne mémoire les jadis dauphins, le très Révérend père en Dieu Aimé de Saluces et messire Imbert de Bathernay notre ayeul – Le 17 juin 1560 ».

Les guerres de religion ouvrirent le dernier chapitre de l’histoire du château de Saint-Laurent. Un projet des troupes royalistes de couper les vivres à Lyon en se servant de la forteresse de Saint-Laurent fut déjoué par Jean Caral dit le capitaine Cambray, ainsi que nous l’apprend une lettre de celui-ci adressée aux consuls échevins de Lyon le 18 septembre 1590 : « J’ai uzé de toute diligence tant pour la conservation de moy et des miens que pour m’emparer du dit fort de Saint-Laurent-De-Mures auquel je suys avecq ma troupe et l’ay emporté par surprise… »

La réponse des Echevins donnait l’ordre  à Cambray de démolir le fort « rez pied, rez terre et de la rendre en tel estat qu’en ne puisse servir à l’ennemy de fort ou de refuge » (le 19 septembre 1590).

Le 20 septembre, Cambray écrivait : « … ay commencé à faire travailler ce jourd’hui à la démoulition dudit chasteau, laquelle ne se peut faire sy soudaing pour la grand forteur des murailles…. » !

 

En 1693, le capitaine châtelain de Saint-Laurent est Jacque Roche Lavareille., né vers 1632 il est issu d'une branche collatérale des Roche du Plantier fixée à Poulieu (décédé le 4 février 1714, à l'âge d'environ 82 ans) ;   il est également capitaine et châtelain du mandement de Colombier (1674, 1693, 1698, 1714). Il est  mariéavec Marie POULYER, née vers 1642, décédée le 26 mai 1729 à Poulieu,  à l'âge d'environ 87 ans ,  elle inhumée le 26 mai 1729 à  Poulieu.

L’an 1693, et le 9ème du mois de mars, Jacques Roche Lavareille  met en vente « les vieilles murailles et masures du chasteau avec son enclos fortifié, lesdites masures menaçant à ruine… les tours sans couverts et rompues, à l’exception de la petite tour vizant à bize (au nord) qui est en partie couverte »….

Les vestiges encore importants qui subsistent du château delphinal et de son enceinte « le vingtain » permettent d’en resuivre le périmètre. Le percement du vingtain a naguère livré passage au « chemin  neuf»  puis « rue de la Poste ».

François de Bonne de Lesdiguières devait acquérir Saint-Laurent et Quincieu des héritiers de Bathernay. Son gendre, François de Créqui, ayant pris le nom illustre de Bonne de Lesdiguières, en l’honneur de son beau-père, prêta hommage pour Saint-Laurent le 26 mars 1645.

 

François de Bonne de Lesdiguières, acquéreur de Saint-Laurent et de Quincieu comme dit à la saison 11,  naît à Saint-Bonnet-en-Champsaur, situé dans la province du Dauphiné, dans le royaume de France. Il rencontre pour la première fois le futur roi Henri IV, de neuf ans son cadet, au collège de Navarre à Paris. Sa passion pour les armes ou le besoin financier le pousse à entrer sous les ordres du baron de Gordes, lieutenant général du roi et du Dauphiné.

Pour la petite histoire, François se maria en premières noces le 10 février 1619 avec Catherine de Bonne, sa tante, troisième fille du connétable de Lesdiguières et de sa deuxième épouse Marie Vignon, se trouvant ainsi à la fois le petit-fils et le gendre de Lesdiguières !

Fidèle à son roi, il gravit les échelons du pouvoir : nommé gouverneur de Grenoble en mars 1591, conseiller d'État le 6 septembre 1595, commandant en Provence fin septembre 1595, lieutenant général en Dauphiné en octobre 1597 – à cette période, l'édit de Nantes, promulgué en avril 1598, met fin aux guerres de Religion –, il devient maréchal de France le 27 septembre 1609. François de Bonne est fait duc de Lesdiguières et pair de France en 1611, par Marie de Médicis, veuve de Henri IV et Régente pour Louis XIII.

Personnage important de l’histoire du Dauphiné, c’est en son honneur que fut baptisé au musée du Louvre l'un des deux pavillons des guichets de Seine sous la Grande Galerie, le « pavillon de Lesdiguières », l’autre étant le « pavillon de la Trémoille »

 





Le maitre du Dauphiné avait en sa possession plusieurs châteaux comme celui du Pont-de-Veyle, du Glaizil ou encore de Vizille. Lesdiguières fera de ce dernier, une véritable résidence de prince.

Il confirma le 6 novembre 1637 la lettre de Lesdiguières, son beau-père, du 12 août 1606 concernant les droits des habitants de Saint-Laurent sur la forêt de Planaize, précisant les peines que pouvaient prononcer les juges locaux afin de bien délimiter leur sévérité parfois excessive !

Les descendants de François de Lesdiguières vendirent à Monsieur François Olivier de Senozan de Virille (1678/1740), Marquis de Rosny,  la forêt de Planaize, Colombier et Saint-Laurent. Monsieur François Olivier de Senozan de Virille, Chevalier de l’ordre de Saint Michel,  était devenu, par son épouse, l’héritier du domaine de Mures. Il avait en effet épousé, le 26 juin 1711, Jeanne Anne Madeleine de Grolée  -1690/1741), lontaine descendante de la famille de Bourellon. Pour rappel, La famille de Bourrellon se fixe à Saint-Bonnet vers 1480, au château de Mures.

 

En 1787, la dernière héritière de la famille Olivier de Senozan de Viriville, Sabine, qui épousa le 2 décembre 1778 Archambaud Joseph de Talleyrand-Périgord (lieutenant général des Armées du Roi) , frère du célèbre Duc de Talleyrand-Périgord (plus communément appelé Talleyrand) , vendait tous ses biens de Saint-Laurent et de Saint-Bonnet à François-Emmanuel de Guignard de Saint-Priest, chevalier honoraire de l'ordre de Saint Jean-de-Jérusalem et dernier Seigneur de Saint-Laurent !

Sabine était la Fille d’Antoine François Olivier de Senozan, capitaine de cavalerie, et de Claude de Vienne. Elle était aussi l'héritière du château de Bois-le-Vicomte, entre autres, au moment de son mariage. Ce château a été détruit et n’existe plus.

Sabine, inculpée de conspiration par le tribunal du 8 thermidor an 2, est exécutée le 26 juillet 1794.

"SABINE-VIRITIL (M.H.) femme Périgord, ex-comtesse, âgée de 31 ans, née et domiciliée à Paris, condamnée à mort, le 8 thermidor an 2, par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme complice d’une conspiration dans la maison d’arrêt de St Lazare ou elle était détenue. "

Et elle sera exécutée en même temps qu'une cousine de sa mère : 

- Marie Charlotte le Peletier, princesse de Chimay : 

"LEPELLETIER, veuve Chimay, ex princesse, âgée de 54 ans, née à Paris, domiciliée à Issy-l'Union département des Deux-Sèvres, condamnée à mort comme conspiratrice, le 8 thermidor an 2, par le tribunal révolutionnaire de Paris. "

Sa grand-mère l’avait précédée !

LAMOIGNON Anne Nicolas, veuve Serozan, ex marquise, âgée de 76 ans, née et domiciliée à Paris, département de la Seine, condamnée à mort le 21 floréal an 2, par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme conspiratrice.

On ne badinait pas avec les Révolutionnaires !!!

En 1790, révolution oblige, la pression démographique et le besoin de terre qui en découle rendent la question foncière cruciale dans le monde rural. Témoignage de cette “ faim de terre ”, de nombreux cahiers de doléances proposent de diviser les biens de la Couronne et des monastères en parcelles qui seraient ensuite revendues aux paysans.

De plus, la Commune supprima tous les noms de villages portant un « Saint » et rebaptisa provisoirement notre commune Mure-La-Fontaine.

Selon la loi du 8 avril 1793, « lesdits biens dépendants de Guignard de SaintPriest inscrit sur la liste générale des émigrés » sont confisqués et mis à la disponibilité de l'Administration Centrale du département de l'Isère.

François Emmanuel Guignard, chevalier puis comte de Saint-Priest était un diplomate et homme d'État français, né à Grenoble le 12 mars 1735 et décédé à Lyon, dans la maison de Moidiere, place Bellecour où était son domicile, inhumé dans un tombeau du cimetière de l'église de Saint-Priest (près de Lyon) le 26 février 1821.

 Conjoncture historique, guerres, troubles dus à la contre-révolution sont les principales explications avancée par l’historiographie républicaine pour rendre compte des destructions et des actes de vandalisme entre 1789 et 1799. L’art, quel qu’il soit (peintures, monuments, châteaux, etc…) était l’image du pouvoir politique et le symbole de la richesse possédée.

Alors,  le château delphinal a-t-il fait partie du lot ? probablement… toujours est-il que les vieux murs démantelés se sont endormis sous le lierre, dans l’oubli…








Mais, bien des années plus tard, un groupe de passionnés d’histoire a fait revivre le château dans la mémoire des villageois : voici un extrait du Progrès du 30 décembre 2011

« Le Groupe d’études historiques de la contrée de Meyzieu (GEHCM, )  avec le soutien de la municipalité avait  le souci de sauvegarder le château Delphinal de Saint-Laurent-de-Mure. Dans le cadre de la défense du patrimoine, et après enquête, les Aéroports de Lyon ont alloué une subvention de 2 000 euros à l’association.

Une partie de cette subvention a été reversée, par la commune de Saint-Laurent-de-Mure, à l’entreprise Barioz qui avait commencé la dé-végétalisation du site. La seconde partie sera reversée à l’entreprise Combier, spécialisée en rénovation de bâtiments historiques, pour la suite du travail. Ce projet de restauration a été présenté au GEHCM par Bernard Lacarelle, adjoint aux Travaux, et Mme Bonnard, architecte du patrimoine. »

 Nous voilà arrivés à la fin de l’épopée de notre château… le coût de sa restauration est énorme vu son état, mais il est encore bien présent pour nous rappeler que notre village a connu des heures historiques et croisé des personnages illustres… il serait intéressant d’ailleurs qu’on puisse partager son histoire à l’école primaire afin que chaque enfant habitant notre commune en soit imprégné… voilà l’idée est lancée !

Souhaitons que cet aperçu bien modeste à travers les siècles puisse vous donner l’envie de vous y promener, d’aller sur les traces du glorieux dauphin Jean, à la recherche de ces jalons du passé, peut-être passé de vos ancêtres d’ailleurs, des étapes de cette histoire qui appartient à tous les Laurentinoises et Laurentinois…

 

 Sources : 

« Autour du Plastre de Mures… » H. Charlin et J. Montchal

Archives municipales et recherches -  Académie delphinale, Bibliothèque dauphinoise 


 






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